La rentrée sportive 2025 s’annonce mouvementée pour la Ligue Régionale Marrakech–Safi de pétanque. Quatre correspondances officielles, échangées en l’espace de deux semaines seulement, mettent en lumière une crise institutionnelle qui dépasse le cadre régional et soulève des interrogations sur la gouvernance de la Fédération Royale Marocaine de Pétanque (FRMP).
Le premier acte survient le 2 septembre 2025. La Ligue Marrakech–Safi adresse une lettre officielle au président du club sportif de pétanque et de boules de Safi (CSS). Motif : les statuts de ce club ne seraient pas conformes au modèle imposé par la loi 30.09 relative aux associations sportives. Conséquence immédiate : le CSS est considéré comme « association hors-la-loi » et son activité est gelée, avec interdiction de participer aux compétitions régionales et nationales.
Cette décision radicale s’appuie sur les textes réglementaires, notamment l’article 8 de la loi 30.09 et le décret relatif aux associations sportives. Le club est invité à régulariser sa situation statutaire pour retrouver ses droits.
Moins de quinze jours plus tard, le 17 septembre 2025, la Fédération Royale Marocaine de Pétanque (FRMP) intervient directement. Dans une lettre signée par son président, la FRMP rappelle à la Ligue Marrakech–Safi qu’elle n’a pas compétence pour geler l’activité d’un club affilié.
Selon la fédération, une telle décision relève exclusivement de ses propres instances statutaires et non d’une ligue régionale. Le courrier fédéral considère donc que la mesure du 2 septembre excède les prérogatives de la Ligue Marrakech–Safi et qu’elle est « sans effet juridique ». En clair, le CSS de Safi reste affilié tant qu’aucune décision fédérale contraire n’est prise.
La FRMP en profite pour rappeler que toute sanction ou gel d’activité doit être conforme au droit, au règlement intérieur fédéral et aux procédures statutaires validées par l’assemblée générale.
NB: Un élément accentue cette crise : la Fédération Royale Marocaine de Pétanque n’a pas tenu ses assemblées générales depuis trois saisons consécutives (2022-2023, 2023-2024 et 2024-2025). Or, la loi 30.09 et les statuts types exigent une AG annuelle pour approuver les rapports moral et financier et renouveler les mandats statutaires. L’absence de ces rendez-vous démocratiques fragilise la régularité de la FRMP et ouvre une interrogation lourde de conséquences : la fédération est-elle encore réglementaire ?
Troisième rebondissement : le 19 septembre 2025, la Ligue Marrakech–Safi diffuse un communiqué annonçant la suspension de toutes les compétitions régionales pour la saison 2024–2025. Cette décision, justifiée par « la situation confuse et l’absence de tenue d’une assemblée générale fédérale », est présentée comme une mesure transitoire en attendant des clarifications.
Le président de la Ligue, explique que cette suspension vise à protéger les clubs et joueurs face à une incertitude administrative croissante. Le communiqué annonce aussi la tenue prochaine d’une réunion avec toutes les composantes régionales pour débattre de la situation et préparer des propositions pour la reprise.
Un nouvel élément est venu aggraver la crise. Dans une lettre du 19 septembre 2025, le président du Club Sportif de Safi (CSS) rejette catégoriquement la suspension des activités et avance plusieurs arguments. Il souligne que l’absence d’assemblée générale de la FRMP ne peut justifier l’arrêt des compétitions régionales, rappelant que les autres ligues continuent leurs concours chaque semaine. Il ajoute que la passation de consignes concerne uniquement le président sortant et le président entrant, et non les clubs. Concernant les licences et l’assurance, il accuse la Ligue Marrakech–Safi d’être la seule à ne pas avoir transmis les bordereaux des joueurs à la FRMP, alors que tous les clubs les avaient remis au secrétaire administratif. La fédération aurait d’ailleurs confirmé ne rien avoir reçu. Le CSS estime que la Ligue a cherché à masquer cette défaillance en publiant sa correspondance du 19 septembre, destinée à induire en erreur clubs et opinion publique. Il rappelle enfin que la majorité des membres de la Ligue affirment ne pas avoir été informés de cette décision, et attribue la responsabilité de l’arrêt des activités au président de la Ligue, tout en annonçant qu’il prendra toutes les voies de recours réglementaires.
Ces échanges révèlent plus qu’un simple désaccord administratif : ils illustrent la fragilité institutionnelle actuelle de la FRMP. La fédération, déjà critiquée pour l’absence de son assemblée générale, se trouve mise en porte-à-faux face aux ligues régionales et aux clubs qui réclament davantage de clarté et de légitimité.
En gelant un club puis en suspendant les compétitions, la Ligue Marrakech–Safi semble exprimer un ras-le-bol vis-à-vis d’une fédération perçue comme défaillante. En retour, la FRMP rappelle qu’elle seule détient la légalité pour prononcer des sanctions. Résultat : un climat de confusion qui fragilise la discipline au moment même où la pétanque marocaine traverse une période délicate avec son absence annoncée des Championnats du monde 2025 à Rome.
